Manifeste du Lac d’Annecy

Préambule (extrait de la charte du lac d’annecy. Novembre 1995) “ Le spectacle de la beauté est une joie pour toujours ”, écrivait John Keats.
La joie qu’engendre pour tous le spectacle de la beauté du Lac d’Annecy n’est, hélas! pas acquise pour toujours.
A l’aube du troisième millénaire, le bassin annécien court un danger qu’il n’a jamais rencontré dans toute son histoire : une pression foncière jamais connue, une fréquentation du site jamais égalée, un accroissement de la population sans précédent, font qu’urbanisation et viabilisation menacent de ruiner, dans les années à venir, un site qui n’a son équivalent nulle part en France.
La quasi-disparition des activités rurales a désagrégé l’organisation ancestrale du paysage et de l’habitat.
La décentralisation a bouleversé l’ancien système administratif en laissant les communes gérer librement leur espace, avec les dangers que cela peut comporter.
Le vivier associatif, autre forme d’expression de la démocratie locale, n’entend pas se cantonner dans des actions de contestation ; avec LA CHARTE DU LAC D’ANNECY, l’association LAC D’ANNECY ENVIRONNEMENT qui regroupe des associations sur tout le pourtour du lac, se veut source de réflexion, de concertation et de proposition.
L’unicité du site du lac d’Annecy tient autant à l’histoire qu’à la géographie. Pour protéger, il faut aimer ; pour aimer, il faut connaître. C’est pourquoi, il semble pertinent d’évoquer brièvement les données historiques et géographiques.

UNICITE HISTORIQUE

La Savoie n’est entrée que très récemment dans la nation française ; c’est le dernier territoire à avoir intégré l’espace national et le seul à avoir conservé, dans le nom de ses départements, celui d’un pays qui participa à l’histoire européenne du Moyen-Age à l’aube du vingtième siècle.
Ainsi, le patrimoine du bassin annécien a-t-il été édifié principalement hors de l’histoire de France et appartient à l’histoire savoisienne. De nombreux travaux témoignent de son importance, c’est pourquoi il mérite d’être conservé. Fondu à présent dans le patrimoine français, ce patrimoine savoyard se doit de garder sa spécificité afin qu’un manque de discernement n’entraîne dans le futur un véritable désastre, voire sa disparition totale.

UNICITE GEOGRAPHIQUE

La cluse d’Annecy est une dépression d’une altitude moyenne de 450 m ; en son centre, le lac est un plan d’eau naturel de 27 km2. Sur toute sa longueur, la cluse d’Annecy est bordée de sommets d’une altitude moyenne de 1600 m. La ville d’Annecy s’est développée dans la plaine constituée à l’extrémité du lac par son déversoir. La géographie du site annécien est donc caractérisée par un vaste plan d’eau et de hauts reliefs entre lesquels un espace relativement étroit est consacré aux zones habitables. Cet espace relève de la Loi Littoral et de la Loi Montagne. Il faut oeuvrer pour que ces deux lois complémentaires se dynamisent pour le mieux lorsqu’il s’agit d’assurer la protection d’un site qui est sans équivalent dans le paysage français.

Manifeste pour le bassin du lac.

Le Lac d’Annecy, pur joyau au milieu des montagnes, offre aux résidents un cadre de qualité et attire chaque année de nombreux touristes séduits par la beauté du site.
Quel sera le sort de cet espace-lac à l’aube du troisième millénaire ?

1. L’histoire :
Ce milieu a été diversement considéré par l’homme, les écosystèmes étant plus ou moins sollicités par celui-ci.  » L’environnement ne prend son sens qu’à travers le regard de l’homme social avec toute sa dimension historique, mouvante, aléatoire.  » (J.C. VERNEX)
D’abord considéré pour son aspect utilitaire, eau-ressource, moyen de transport, … puis vu sous l’aspect esthétique (période romantique), l’espace-lac assume aujourd’hui des fonctions diverses :

* réservoir d’eau potable
* espace de travail
* espace de loisirs
* objet de spéculation
* lieu de passage et de reproduction de la faune

D’où une segmentation des pratiques : le lac est utilisé suivant les intérêts personnels ou publics ; la vision d’ensemble et l’identité réelle d’un lac ne peuvent être reléguées au second plan et se résumer à une somme de fonctions.

2. Les menaces

  • L’appropriation partielle des rives du lac par des privés empêche la libre circulation des promeneurs.
  • Le transfert de l’octroi des permis de construire aux municipalités et la faculté laissée à chaque commune de réaliser son plan d’occupation des sols a permis aux maires d’établir, commune par commune, le plan de développement, sans vue d’ensemble du bassin du lac. C’est ainsi que la plupart des municipalités ont établi leurs zones d’activités pour amener des emplois et alimenter le budget de la commune.
  • Avec ses vignes, ses cultures maraîchères, ses fruitières, ses bois, ce secteur était autrefois le jardin d’Annecy. Aujourd’hui, l’agriculture, mis à part quelques rares communes, a été rejetée à l’arrière-pays, où elle constitue des unités valables de production, se contentant le plus souvent, dans le secteur du bord du lac, d’assurer une fonction d’entretien des pelouses.
  • L’augmentation du trafic automobile constitue une menace en matière de pollution : pollutions sonores, pollution de l’air, de l’eau.
  • Le développement excessif de l’urbanisation risque d’amener la saturation des réseaux d’assainissement.

3. Les occasions manquées

  • La mise en place du schéma directeur du district de l’agglomération annécienne a permis une réflexion poussée durant cinq ans, pour dix communes, dont Annecy et Annecy-le-Vieux,, mais les autres communes du bord du lac n’y ont pas été associées.

Le schéma directeur du district de l’agglomération annécienne ne tient pas compte de la communauté d’intérêts économiques et sociaux de l’entité géographique du Lac d’Annecy constituant une véritable unité d’aménagement.

  • La décision prise par Monsieur le Préfet Steinmetz en date du 18 janvier 1995 d’élaborer un schéma directeur du Lac n’a jamais été appliquée.
  • Le plan de communication routière autour du lac est en gestation depuis près de 50 ans.

 

4. Les opportunités à saisir

  • La mise en place du contrat global de développement du Bassin annécien serait l’occasion de réfléchir sur l’entité  » Bassin du Lac « .
  • Le Parc Régional des Bauges englobe la plupart des communes de la rive Ouest du lac. Axé sur la valorisation des produits, la mise en valeur du patrimoine, il serait souhaitable qu’il prenne en compte les données et les enjeux du Bassin du Lac.
  • Des discussions relatives à l’avenir de la RN 508, et notamment au projet de tracé Est, il ressort la nécessité d’une concertation, d’une mise au point d’un programme de développement du Bassin du  Lac, devant concilier intérêt général et préservation de la qualité esthétique du site.
  • Les communes de plus de 100 000 habitants doivent avoir un plan de réduction des pollutions. Ce plan pourrait s’appliquer au Bassin du Lac, qui pourrait alors être un précurseur en la matière.

5. Des propositions

  • Une politique nouvelle
  • Renforcer l’identité lacustre en s’appuyant sur une vision historique, globale et non fonctionnelle du lac, en réfléchissant au contenu profond de cette notion, de même qu’à celle de patrimoine lacustre, et en aidant à sa  » patrimonialisation « , en concertation large avec tous les habitants et utilisateurs du lac.

Cette  » patrimonialisation  » doit déboucher sur des propositions concrètes, tant au niveau de l’offre touristique que de l’économie et de la société locale (développement de l’artisanat lié à l’eau, de la pêche, de la navigation de service, projet commun d’envergure nationale, sentiers à thèmes, recensement des ressources naturelles et environnementales , intégration du lac à un circuit  » lacs alpins  » …) ; l’objet final est de redonner vie et sens au lac, à partir d’une approche dynamique et ouverte sur l’avenir, de la notion de patrimoine.

  • Privilégier un développement qualitatif et durable ; entre autre, réfléchir à une meilleure intégration Lac/montagne, l’attractivité du lac d’Annecy se faisant en grande partie en raison de son cadre montagnard, et à un meilleur étalement de la fréquentation touristique.
  • Un aménagement concerté
  • Maîtriser la croissance et non la subir ; réfléchir aux différents types d’activités qui feront vivre le Bassin au siècle prochain.
  • Mettre en place un schéma directeur du Lac, s’appuyant sur les lois littoral et montagne, et visant à :

établir un POS global du bassin du lac avec définition du type d’habitat, du zonage agriculture-forêt, des coupures d’urbanisation, du type de paysage à promouvoir, et ceci dans le but de favoriser un développement harmonieux et de sauvegarder la beauté exceptionnelle du site ;

  • positionner les différentes zones d’activités et de loisirs ;
  • maîtriser le réseau de communication du tour du lac (maîtrise du trafic de transit, transports en commun en site propre, tramway…) ;
  • sauver les rives du lac et redonner le lac au public, conformément aux lois :
  • sentiers piétonniers, à l’instar de ce qui existe à Saint-Jorioz,
  • pistes cyclables.
  • dégager des vues sur le lac
  • Protéger les roselières et les zones humides.
  • Les actions ponctuelles et les mesures de sauvegarde
  • Faire le point sur les divers facteurs portant atteinte à l’environnement, marquer des échéances : réseaux d’assainissement à terminer, tri sélectif des déchets à organiser, décharges, carrière de Brédannaz à revégétaliser, panneaux publicitaires …
  • Veiller à la qualité de l’eau du lac ; en cas de non raccordement aux collecteurs, contrôler l’entretien régulier et l’efficacité des installations individuelles d’assainissement. Mettre en place un seuil limite de bateaux à moteur thermique. Limiter de manière très stricte la circulation des matières dangereuses sur les voies proches des rives du lac.
  • L’agriculture

Soutenir l’agriculture, à la fois comme activité économique productrice, et comme facteur de maintien de l’environnement, d’entretien du paysage et d’initiation à la connaissance de la nature.

  • Préserver et gérer la forêt et les espaces boisés des rives et promouvoir un zonage agriculture-forêt-urbanisation (bande des 100 mètres non constructibles à l’orée des bois.) Sauver les coulées de boisement en bordure de ruisseau dans les coupures d’urbanisation. Préserver les plantations arbustives traditionnelles des rives (vergers, peupliers, platanes, châtaigniers), sauvegarder les arbres remarquables. Eviter l’extension forestière au détriment des zones agricoles, et préserver les points de vue remarquables.
  • Le tourisme

Imaginer de nouveaux produits, de nouvelles structures, propres à répondre aux besoins d’un tourisme complexe, mouvant et multiforme, associant loisirs contemplatifs, sportifs, gastronomiques, hédonistes et culturels. Privilégier un tourisme doux avec des activités variées, réparties sur une grande partie de l’année.

  • L’activité des services et du tourisme pouvant être retenue parmi les activités motrices de demain, profiter de la notoriété du lac, au confluent des loisirs lac et montagne, sport et culture, à proximité des stations de sports d’hiver et de Genève. Promouvoir une Maison du Lac montrant cet espace sous les aspects géologique, climatique, économique, social et culturel, du genre Maison de la Réserve du Col des Montets, en incluant des activités propres au lac (pisciculture, pêcheurs amateurs, loueurs de bateaux, constructeurs et réparateurs de bateaux).

Conclusion :

Conformément à ce qu’avançait déjà la Charte du Lac (novembre 1995), l’Association  » Lac d’Annecy Environnement  » demande :
LE CLASSEMENT DE LA CLUSE DU LAC D’ANNECY
16 janvier 1998